Quels sont les avantages et inconvénients de l’utilisation d’exosquelettes en situations réelles de travail agricole ? Les retours d’expérience sont plus que mitigés : la plupart des utilisateurs rencontrent plus de gêne que de soulagement. Pourtant, pour ceux chez qui « ça marche », le bénéfice est important.
Bien rares sont les agriculteurs qui n’ont pas mal au dos. Ou aux épaules. Ou aux poignets. Les métiers agricoles, qu’ils soient dédiés aux productions végétales ou animales, qu’ils soient spécialisés ou diversifiés, sont souvent pénibles physiquement. Depuis plusieurs années, cette pénibilité physique est de mieux en mieux reconnue et prise en compte par les organismes chargés de la santé et par la profession agricole elle-même, qui sait que la pénibilité constitue un frein à l’attractivité du secteur.
Le Gaec de la Louisiane, en Loire-Atlantique, pratique le « bale grazing » depuis six ans, durant deux mois l’hiver, pour ses 300 vaches taries et ses génisses. À la clé : un gain de temps et des économies de paille et d’épandage. Mais des précautions s’imposent.
La ferme expérimentale de Thorigné-d’Anjou conduit actuellement des travaux de recherche sur le «bale grazing» estival et hivernal. Les tout premiers résultats ont été présentés lors des portes ouvertes de l’établissement en mai dernier. Ils sont plutôt encourageants, en particulier sur l’amélioration de la qualité des prairies naturelles.
À la ferme expérimentale de Thorigné-d’Anjou, dans le Maine-et-Loire, le «bale grazing» est expérimenté depuis 2022 sur les périodes estivales et hivernales au cours desquelles la pousse de l’herbe est ralentie ou quasi nulle. Lors des portes ouvertes qui se sont tenues le 16 mai dernier, les résultats des deux premières années ont été présentés aux visiteurs, la troisième (2024) étant encore en cours. Trois modalités sont comparées sur quatre années : une modalité pâturage estival + bale grazing sur 28 jours avec des bottes déroulées, une modalité pâturage estival + bale grazing de 28 jours avec bottes non déroulées et une modalité témoin, dans laquelle le foin récolté est exporté et les animaux pâturent en été et à l’automne. Les animaux concernés sont des lots de 15 à 18 bovins en croissance (jeunes bœufs et génisses, en moyenne 16 mois et 434 kg). Tous les deux jours, ils ont accès à une parcelle de 715 m2 de prairie et à une balle de foin (210-215 kg).
Si les maladies ont un coût que l’on peut parfois estimer, il est difficile de chiffrer combien rapporte « la bonne santé ». Or, c’est précisément le principe du conventionnement vétérinaire : il pourrait s’apparenter à celui de la médecine traditionnelle chinoise, où le praticien est rémunéré lorsque ses patients sont en bonne santé.
D’un point de vue strictement comptable, les éleveurs en conventionnement semblent avoir un budget sanitaire sensiblement plus élevé que les autres. Une seule étude sur le sujet a été publiée en 2016. Elle a été faite sur des élevages laitiers, clients d’un même cabinet vétérinaire, mais soit en convention, soit en libéral. Le chiffre d’affaires moyen de la clinique par bovin lait et par an était de l’ordre de 80 euros en clientèle conventionnée et autour de 55 euros en clientèle libérale, mais avec beaucoup plus de variabilité entre les fermes.
Ce chiffre moyen plus élevé en conventionnement s’explique par la combinaison de plusieurs facteurs : l’exclusivité de la délivrance des médicaments par la clinique (alors que la clientèle libérale peut en acheter ailleurs), une présence plus grande des praticiens en élevage (qui font aussi le suivi repro, la gestion des boiteries…), et un niveau moyen de performances plus élevé de ces élevages.
Productrice et transformatrice de konjac, Nhung Nguyen-Deroche s’est installée il y a 4 ans à deux pas d’Angers. Son parcours agricole est dans la continuité de sa carrière antérieure de chercheuse : avec méthode, rigueur et persévérance, elle cherche à implanter et valoriser localement la culture du konjac.
Si, à la fin des années 1980, on avait dit à la jeune Nhung, qui grandissait à Bao Loc (centre du Vietnam), qu’elle serait un jour agricultrice en France, elle n’aurait jamais voulu le croire. Elle se voyait plus sûrement médecin ou chercheuse, et n’avait aucun attrait particulier ni aucune attache avec le travail de la terre.
Et pourtant, aujourd’hui, Nhung Nguyen-Deroche est officiellement agricultrice, installée depuis 2020 sur une ferme de 10 hectares, à Saint-Jean de Linières, à deux pas d’Angers. Dans le milieu, elle est même déjà un peu « connue », car elle a emporté plusieurs concours en innovation végétale, dont le prix des Trophées de l’Excellence Bio 2022 dans la catégorie « producteurs »
De nombreuses fermes d’élevage seront à transmettre dans les années à venir. Même si les transmissions peuvent paraître difficiles en élevage bovin, il n’y a pas de fatalité : les repreneurs existent, il suffit d’aller les chercher avec un Agribus !
« Les porteurs de projets d’installation, ne viennent pas taper à notre porte. Ceux qui viennent chez nous – quand ils savent qu’on est en fin de carrière – ce sont plutôt ceux qui cherchent à récupérer le foncier », remarque Bertrand, agriculteur à Guenrouet (44). « On voudrait éviter un agrandissement », ajoute pour sa part Gérard, éleveur à Guémené-Penfao (44), qui, lui aussi, entrevoit sa prise de retraite pour dans quelques années. « On voudrait transmettre au futur repreneur notre exploitation agricole pour maintenir l’élevage sur le secteur et garder toutes les structures qui vont avec, les laiteries, les Cuma, les ETA, les associations de remplacement etc… ».
Comme Bertrand et Gérard, beaucoup d’éleveurs préfèreraient transmettre leur outil de travail plutôt que de le vendre à la découpe. Mais ils ont parfois l’impression qu’il n’y a pas de candidats à l’installation et à la reprise et que personne ne va les contacter. « Pourtant, des porteurs de projets en élevage, il y en a, mais peut-être pas à leur porte, dans d’autres régions ! », assure Stéphane Loizeau, chargé de mission transmission à la chambre d’agriculture des Pays de la Loire. Mais encore faut-il leur donner les moyens d’une mise en relation avec les cédants, d’échanger avec eux, et leur permettre de se projeter dans les fermes qui sont à céder.
Les éleveuses ont davantage d’accidents du travail que les autres agricultrices et ont plus de troubles musculosquelettiques que leurs consœurs et leurs collègues masculins. La cause ? Des équipements non adaptés à leur morphologie.
Le renouvellement des générations en élevage constitue un défi majeur pour l’agriculture française. Pour atteindre cet objectif, il serait dommage de ne pas pouvoir compter sur la moitié de la population : les femmes.
Aujourd’hui, l’élevage est un monde dominé par les hommes. Selon le recensement agricole de 2020, dans les exploitations avec élevage, la part des femmes constitue seulement 25 %. Si les femmes sont relativement présentes en élevage de petits ruminants (chèvres et moutons), elles le sont beaucoup moins en élevage bovin, lait et viande. La situation est particulièrement critique parmi les femmes de moins de 40 ans : 15 % seulement sont cheffes d’exploitations bovines.
Tous deux ingénieurs agricoles, Léa et Damien viennent de s’installer sur une exploitation laitière après avoir connu une vie professionnelle déjà bien riche. Pour eux, l’installation est l’occasion de développer des projets de diversification. Ils n’hésitent pas à se donner les moyens de leurs ambitions.
Léa Dulos et Damien David le reconnaissent sans détour : pendant près de dix ans, ils ont l’un et l’autre connu une vie professionnelle et personnelle intense et très confortable. Tous deux diplômés de l’école supérieure d’agriculture d’Angers, ils ont occupé des postes dans des grands groupes agroalimentaires et agricoles, mettant à profit et développant leurs compétences techniques, commerciales, mais aussi leurs capacités d’adaptation et d’innovation.
Léa et Damien ont presque toujours travaillé à l’international, avec notamment un séjour de deux ans en Roumanie pour développer des marchés des semences en Europe de l’Est, ils ont rencontré énormément d’acteurs de la filière, ont « beaucoup appris », « beaucoup bougé ». « On a bien vécu cette vie d’ingénieur. On ne regrettera rien ! ».
Un côté business assumé
« Il y a un temps pour tout », raconte Damien. « Après tant d’années à être payés pour avoir des idées pour les autres, on a voulu avoir des idées pour nous-mêmes ». Piloter sa propre entreprise, mener des projets innovants, développer un business : pour le couple, tout cela peut être réalisé via la reprise d’une exploitation agricole. « Un agriculteur est forcément un chef d’entreprise : il lui faut le côté technique et le côté business. L’un ne va pas sans l’autre. Il doit réfléchir, savoir où il va ».
« Aujourd’hui, il y a deux schémas pour faire une agriculture rentable », poursuit Damien. « Soit on maximise les unités de production ; soit on transforme et commercialise nos produits, pour capter la valeur ajoutée ». C’est clairement du côté du second schéma que Damien et Léa se dirigent : pour Damien, fils d’éleveurs laitiers dans l’Orne, c’est l’occasion de renouer avec une production qu’il aime depuis toujours et de goûter à la « fierté d’être agriculteur ». Pour Léa, qui n’a pas de racines agricoles, mais qui, depuis toujours « fourmille de projets », le terrain de jeu sera plutôt la diversification, en particulier le commerce de produits fermiers.
Une exploitation avec du potentiel
A l’époque où ils imaginent leur projet agricole, en 2018, Léa et Damien vivent à Saint-Malo. Pendant un an, ils prospectent, en Bretagne puis dans tout l’Ouest, pour trouver l’exploitation qui « coche toutes les cases ». C’est finalement à Guérande, à deux pas de la côte Atlantique, qu’ils dénichent, via une agence spécialisée, la ferme qui a « le potentiel pour leurs affaires » : un troupeau de bonne valeur génétique, un parcellaire groupé, des bâtiments en pierres de taille, une zone de chalandise importante, un accès facile, peu de concurrence sur la vente de produits fermiers…
A Oudon (Loire-Atlantique), Charlène aimerait rejoindre Brice, son compagnon, sur la ferme spécialisée en élevage allaitant. Professionnelle de l’animation, elle prépare depuis un an son installation sur un projet alliant accueil pédagogique, vente directe, et hébergement de tourisme.
A Oudon, sur les bords de Loire, Brice Chéret élève des charolaises sur une ferme qui a vu se succéder au moins quatre générations avant lui. « Au plus loin que je remonte dans ma famille, ils sont tous agriculteurs », explique le jeune homme de 33 ans. De la même façon, du plus loin qu’il s’en souvienne, Brice n’a jamais envisagé de faire un autre métier que celui de la terre.
Une production adaptée au territoire des bords de Loire
Ses parents avaient des bovins, des cultures, des vignes et des canards. Brice, désormais seul à la tête de l’exploitation, s’est spécialisé dans le bovin charolais : il est naisseur-engraisseur de 80 vaches et leur suite. Dans un système très herbager (140 hectares dont 110 en herbe), très autonome, très intégré dans son territoire : chaque printemps, l’éleveur amène une partie de ses bêtes sur des îles de Loire. Il entretient aussi plusieurs hectares de terres inondables et de marais des bords de Loire.
Jusqu’en 2020, Charlène, 31 ans, sa compagne et maman de leurs trois enfants, travaille dans l’animation socio-culturelle, comme animatrice multimédia, puis comme directrice d’un centre de loisirs. Toutefois, un autre projet lui trotte dans le « coin de la tête » depuis quelques années et c’est à l’occasion du premier confinement de 2020 qu’il refait surface.
« L’agriculteur, acteur d’éducation populaire »
Lors de ses études de DUT « carrières sociales », Charlène a rédigé un mémoire sur le thème des « fermes pédagogiques comme moyen d’émancipation ». Ce mémoire prenait comme support principal la ferme Marcel Dhénin de Lille, une ferme pédagogique en milieu urbain, et s’intéressait aussi aux fermes pédagogiques qui sont de « vraies » exploitations. « Au début, j’étais sceptique sur cette activité. Mais je me suis rendu compte qu’il y avait une vraie utilité pour le public. Beaucoup de gens méconnaissent les bases de la production agricole. Les enfants ont de moins en moins d’agriculteurs dans leurs familles, et l’école sensibilise les enfants à l’environnement mais pas forcément à l’agriculture ».
A 28 ans, Flavien s’est installé depuis un an sur une exploitation en production de viande bovine. Issu du milieu, titulaire d’un BTS, doté d’une solide expérience de salariat agricole, il fait preuve de beaucoup de détermination pour ne jamais se faire imposer des choix qui ne seraient pas les siens. Il est aussi engagé syndicalement pour la défense du métier et du territoire au sein duquel il a trouvé sa place.
Fils d’agriculteurs vendéens, inséré dans le milieu, projetant depuis toujours de faire ce métier et de s’installer sur le Gaec familial, Flavien Martineau aurait pu avoir un parcours facile jusqu’à l’installation agricole. Mais il n’en a rien été. Preuve, si besoin était, qu’aujourd’hui, on ne devient jamais agriculteur par hasard ou par facilité.
En 2014, alors qu’il a 20 ans et termine son BTS ACSE (Analyse et conduite des systèmes d’exploitation), Flavien est rappelé en urgence sur le Gaec familial. Suite à une mésentente entre associés, la ferme, qui compte trois productions (lait, viande et lapins), est au bord de l’explosion. Embauché comme salarié, Flavien accompagne son père vers la cessation de l’entreprise et la reconversion professionnelle.
Expériences de salariat et de connaissance de soi
Échaudé par la mésaventure, Flavien ne souhaite plus vraiment s’installer. Pendant les années qui suivent, il est salarié dans des exploitations, en Loire-Atlantique, Maine et Loire et Vendée, et au sein du Service de remplacement vendéen. Il multiplie les expériences, les productions : « Je crois que je les ai toutes faites, sauf le porc ». Dans les postes où il se sent bien, il reste un an, voire plus. Mais dès que pointent des conflits ou des mésententes, il préfère partir : les compromis ne sont pas son truc… « Durant ces années, j’ai appris sur moi-même : désormais, je connais mes points forts et mes points faibles ».